John TRUDELL
(15 février 1946 –
Outre ses disques magnifiques, John Trudell est l’un des plus grands poètes et activistes lakota. Et du rock. Il est aussi l’ancien président (et fondateur) de l’A.I.M., l’ American Indian Association. Sa femme enceinte, Tina Manning (également une militante de premier plan) et ses trois enfants ont péri dans l’incendie criminel – attribué au F.B.I. – de sa maison, douze heures après qu’il ait publiquement brûlé un drapeau américain lors d’une manifestation à Washington. John Trudell n’a jamais cessé d’écrire depuis et de lutter pour la survie culturelle de son peuple…
Discours prononcé le 18 Juillet 1980 au centre de survivances interculturel Amérindien
« Je tiens à vous remercier tous d’être venus ici, et je tiens à vous remercier de m’y avoir accueilli. Et je voudrais vous parler ce soir en l’honneur de chacun d’entre nous dans la lutte qui nous oppose à ceux qui ont perdu toutes relations avec le monde des esprits. Je voudrais parler en l’honneur du Vent, l’un des éléments naturels.
Il s’agit d’un rassemblement de survie et l’une des choses que je vous souhaite à tous apprendre pendant que vous êtes ici, c’est d’apprécier l’énergie et la puissance des éléments que sont le soleil, la pluie et le vent. J’espère que vous allez sortir d’ici en ayant compris ce qu’est vraiment le pouvoir, la seule vraie puissance…
Le seul vrai Pouvoir, la seule vraie connexion que nous n’aurons jamais au Pouvoir, notre c’est notre relation à la Terre Mère.
Nous ne devons plus nous perdre dans la confusion. Nous ne devons plus nous laisser berner par leurs illusions. Il n’y a pas de puissance militaire. Il n’y a que du terrorisme militaire. Il n’y a pas de puissance économique. Il n’y a seulement qu’une économie et un marché d’illusions, de leurres, dont nous sommes devenus les esclaves. C’est cela qu’il nous faut réapprendre à regarder : ceux à qui vous déléguer le pouvoir n’ont que le pouvoir que vous leur portez…. Mais en réalité ils n’ont aucun véritable pouvoir dans leurs mains : ce prétendu pouvoir n’est que de l’oppression.
La puissance est en nous car nous sommes une partie naturelle de la Terre. Nous sommes une extension de la terre, nous ne sommes pas séparés d’elle. Nous en faisons partie. La Terre est notre mère. La Terre est un esprit, et nous sommes un prolongement de cet esprit. Nous sommes esprit. Nous sommes le pouvoir. Ils veulent nous faire croire que nous devons croire en eux, que nous devons assumer ces identités des consommateurs et ces identités politiques, ces identités religieuses et ces identités raciales. Ils veulent nous séparer de l’essence même de la Vie. Ils veulent nous séparer de qui nous sommes.
C’est un Génocide perpétuel. Ils ont essayé de prendre et de supprimer notre identité naturelle, notre lien spirituel naturel avec la Terre.
Mais nous avons survécu…
Comme les peuples autochtones de l’hémisphère occidental, nous avons appris à lutter et à vivre en raison de la lutte de notre vie. Nous avons appris à vivre avec l’harmonie et le respect de Mère Nature. Mais Nous n’avons jamais oublié qui nous étions…
Et nous sommes toujours présents.
Quand je parcoure l’Europe ou l’Amérique et que je vois la majeure partie de la population blanche, je me rends compte qu’ils ne se sentent pas opprimés, ils se sentent impuissants. Quand je retourne au sein de mon peuple, je constate que nous ne nous sentons pas impuissants. Nous nous sentons opprimés. Nous ne voulons pas participer à ce commerce. Nous avons toujours refusé. …
Ainsi, par delà le génocide physique qu’ils tentent d’infliger à nos vies, nous comprenons le génocide psychologique qu’ils ont déjà infligé à leur propre peuple …
Nous comprenons le compromis qu’ils veulent que nous fassions pour notre survie, que nous soyons asservis à eux, que nous perdions comme eux notre véritable connexion au pouvoir, notre véritable connexion à la terre…
Nous tous, amérindiens, autochtones, peuples premiers, allons avoir à agir en tant que passeurs et messagers. Nous allons devoir courir et agir comme autant d’enseignants. Nous allons avoir à parler à tous les gens qui daigneront écouter ce que nous pensons, ce que nous savons être juste, ces sens que nous avons préservé. Nous allons devoir trouver et inventer des façons de devenir une communication de nous-mêmes.
Ils ont peur de nous.
Nous devons toujours nous rappeler que chaque fois qu’ils ont crée un système, ce système s’est construit sur des mensonges et des trahisons. Tel est le propre de leurs commerces : la manipulation. Leurs pouvoirs ne sont que des faiblesses. Nous devons persister dans notre lutte et rester engagés dans notre résistance, comme nous l’avons toujours fait…
Peu importe combien de cellules de prison ils construisent et construiront.
Peu importe la corruption, le racisme, les mensonges et les coups qu’ils nous porterons, nous devons veiller par-dessus tout à ne jamais leur ressembler, à ne jamais devenir comme eux. Peu importe leurs détournements de sens et leurs inversions de la Vie. Peu importe leur nombre et peu importe leurs positions illusoires de “respectabilité”. C’est notre droiture et notre intégrité qui feronr la différence. Nous prenons la décision. Nous sommes le pouvoir.
Peu importe qu’ils nous exterminent car à quoi bon vivre sur ce lieu sacré, à quoi bon être ici si nous ne pouvons pas vivre avec dignité et respect ?
Peu importe ce qu’ils font de nous, peu importe comment ils nous frapperont, chaque fois qu’ils le font, nous devons continuer. Mais nous ne devons jamais devenir comme eux.
La seule chose qui m’a toujours tracassé au sujet des révolutions, c’est que chaque fois que j’ai rencontré des révolutionnaires ils ont agi simplement par haine de l’oppresseur. Ce que nous devons faire, c’est agir par amour pour notre peuple.
Peu importe qu’ils n’éprouvent jamais d’amour pour eux-mêmes ou pour la Terre, nous devons quant à nous toujours agir par amour pour le peuple et pour la terre. Nous ne devons jamais réagir comme ceux qui n’ont plus de sens.
Quelles que soient les chaînes, l’esclavage est l’esclavage. Nous devons évaluer nos valeurs. Nous devons nous débarrasser des concepts qu’ils nous ont obligés à apprendre. Nous devons partager les connaissances. Nous ne devons pas nous laisser entraîner dans leurs pièges. Quoi que nous fassions, nous devons le faire en tant que résistance, tout ce que nous faisons en tant que peuple, tout ce que nous faisons au nom du peuple et de la Terre, nous devons le faire avec humilité et avec gratitude pour ce que nous sommes et ce que nous avons. Mais nous ne devrions pas le faire avec fierté.
Parce que John Wayne est fier, les marines sont fiers. Les bombardiers B-52 sont fiers. Comment allons-nous obtenir notre libération, si nous prenons sur leurs caractéristiques ?
Il est temps pour nous tous de penser.
Nous devons comprendre qu’ils veulent que nous soyons paresseux dans nos esprits, serviles dans nos vies et (a)vides dans notre réflexion.
Ils veulent nous garder dans la confusion de sorte que nous continuions à croire en leurs un mensonges, les uns après les autres, comme ils ont pu les programmer dans leurs esprits, et dans leur société.
Mais regardez bien : tout leur système ne repose que sur des illusions.
Nous sommes le pouvoir. Et c’est la façon dont nous utilisons notre énergie qui permet à l’ennemi de nous abuser. Ou pas.
Notre résistance et notre lutte pour la survie doit être totale, absolue. Il ne peut y avoir de demi-mesures. Ils ont interféré dans notre vie depuis le moment où nous sommes nés.
Nous sommes une partie naturelle de la terre. Et tous nos ancêtres, et toutes nos relations qui sont allés rejoindre le monde des esprits, sont aussi là, présents en nous. Ils ont le pouvoir. Ils vont nous aider. Ils nous aideront à voir, à entendre, à comprendre, si nous sommes disposés à voir, à penser, à écouter. Nous ne sommes pas séparés d’eux parce qu’il n’y a nul autre endroit où aller. Notre seul endroit, c’est la Terre. Il s’agit de notre mère…
Regardez :
Il n’y a pas d’espoir pour ce système politique et économique.
La classe dirigeante, ces 1% qui contrôlent aujourd’hui l’ensemble de l’économie mondiale en exploitant le vivant, ne vont pas changer selon les règles politiques existantes.
Ils vont continuer à nous mentir, à faire des promesses et ils vont continuer à créer l’illusion de «changements»,… Tout en nous manipulant et en nous poussant les uns face aux autres.. Nous devons comprendre notre rôle en tant que puissance naturelle.
Nous devons comprendre que lorsque notre oppresseur nous traite de cette façon nous sommes responsables : nous lui permettons de le faire tant que nous acceptons ses mensonges. Aussi longtemps que tolérerons ses mensonges, aussi longtemps nous tolérerons sa brutalité, aussi longtemps nous lui permettrons de nous maltraiter.
Regardez bien :
Ils n’ont pas de vrais pouvoirs, ils utilisent la peur, l’illusion, l’oppression, ils manipulent la vie et exploitent le vivant, ils déforment et inversent les sens, dénaturent le vivant…
Ils appellent cela être “fort”», être “puissant”…
Mais ce n’est que faiblesses, bassesses et illusions.
Ils ne peuvent pas arrêter le vent et ils ne peuvent pas arrêter la pluie.
Ils ne peuvent pas arrêter le tremblement de terre ni le volcan ni la tornade.
Nous devons être prêts dans notre vie pour faire face à la réalité.
Ce n’est pas la révolution que nous recherchons, c’est la libération.
Il y a eu beaucoup de révolutions sociales en Amérique et en Europe. Il y a eu de nombreuses organisations sociales. Il y a eu des mouvements des droits des femmes, il y a eu des mouvements de défense des droits égaux, il y a eu des mouvements syndicaux.
Et regardez ce qui contrôle encore nos vies.
Nous avons à faire face à cette réalité.
Beaucoup sont passé avant. Beaucoup ont parlé avant. Beaucoup ont essayé avant…
Mais quelque part, ils n’ont pas mis tout cela ensemble, la raison étant qu’ils ont toujours tenté de changer les conditions sociales sans aborder la question de notre relation primordiale à la Vie, à la Terre, au vivant.
Ce n’est pas la révolution que nous recherchons, c’est la libération.
Nous voulons être libérés d’un système de valeurs qui a nous été imposé.
Nous ne voulons pas participer à ce système de valeurs.
Nous ne voulons pas changer ce système de valeurs.
Nous voulons le retirer de nos vies à jamais.
Ce n’est pas la révolution que nous recherchons, c’est la libération. La libération.
Nous voulons être libres.
Mais, pour que nous soyons libres, nous devons assumer nos responsabilités en tant que puissance, en tant qu’individus, en tant qu’esprit, en tant que peuple.
Nous devons aller au-delà de l’arrogance des droits de l’homme.
Nous devons aller au-delà de l’ignorance des droits civils.
Nous devons entrer dans la réalité des droits naturels, car l’ensemble du monde naturel a droit à l’existence. Nous sommes seulement une petite partie de celui-ci.
Nous sommes un lien spirituel avec la terre. En tant qu’individus nous avons le pouvoir et, collectivement, nous avons la même puissance que le tremblement de terre, la tornade, et les ouragans. Nous avons ce potentiel. Nous avons cet égard.
Nous ne devons plus faire aucun compromis avec eux. Ils ne peuvent pas arrêter le vrai pouvoir de cette Terre et de la vie : ils ne peuvent que continuer à le détruire jusqu’à ce qu’ils n’aient plus de supports, de vies à exploiter : alors ils apparaîtront tels qu’ils sont en réalité : dénués de sens.
Nous devons être prêts dans notre vie pour faire face à la réalité.
Nous ne devons plus nous leurrer.
Nous ne devons plus nous laisser berner.
Nous sommes un lien spirituel avec la terre.
Il faut d’abord apprendre à penser individuellement avant de pouvoir penser collectivement. (Ré)Apprendre à penser avec ses sentiments, dans un monde qui se joue de ses distorsions, pour sans cesse nous piéger… Dans un monde où la “loi du plus fort” s’appuie justement sur la manipulation et sur le saccage de nos émotions. Nous devons d’abord nous recentrer sur nos propres énergies, afin de ne plus laisser nos émotions parasitées, manipulées, dévorer nos sentiments. Nous devons réapprendre à percevoir avec le cœur. Ce qui nous est livré comme étant “la loi”, “la règle”, “la logique universelle” ou “supérieure” du “plus fort”, n’est que la loi de l’oppresseur, la logique de notre propre oppression. C’est de cette prétendue “Loi” que nous devons nous libérer pour redevenir des êtres humains. Le véritable pouvoir est au delà des gouvernements et de leurs directives, le véritable pouvoir de l’Homme est dans sa capacité à aimer, dans sa capacité à assumer ou pas sa propre responsabilité à la vie.
Nous devons être prêts dans notre vie pour faire face à la réalité.
Nous ne devons plus nous leurrer.
Nous ne devons plus nous laisser berner.
Nous sommes le peuple.
Nous sommes un lien spirituel avec la terre.
En tant qu’individus nous avons le pouvoir et, collectivement, nous avons la même puissance que le tremblement de terre, la tornade, et les ouragans. Nous avons ce potentiel. Nous avons cet égard. Nous sommes le pouvoir.
Mais il faut plus que de bonnes intentions. Il nous faut prendre l’engagement.
Cela signifie que, à un certain moment dans nos vies, nous allons devoir décider du mode de vie à suivre sur cette Terre, et nous allons devoir vivre ce mode de vie, même en étant minoritaires, même si nos ennemis nous entourent totalement, même si nos ennemis continuent d’agir contre nous avec leur brutalité, leur dureté et leurs bassesses emplies de mensonges et de corruption.
Nous allons avoir à nous lever face à la brutalité et la dureté, face aux bassesses, face à tous ces mensonges et ces corruptions.
Nous vivons dans une société technologique qui crée beaucoup d’illusions de la réalité … Cette civilisation est l’entité la plus irresponsable de se comporter qui ait jamais vécue sur cette planète. Cette civilisation n’est pas une question de responsabilité, elle est fondée sur la manipulation, la culpabilité, l’agressivité, la perversité et la banalisation de tous les comportements malsains qui en découlent. C’est un monde d’ombres …
Le monde réel ne retrouvera sa lumière que lorsque chacun d’entre nous assumera sa propre responsabilité à la vie.
Telle est la lutte, tel est le but : la libération.
La libération de la Terre, de notre mère, de la mère du vivant.
C’est seulement en libérant la Terre, en nous libérant de ceux qui la détruisent et la méprisent en exploitant le vivant, que nous pourrons enfin nous libérer.
C’est la seule manière d’agir au présent, à travers notre passé, notre Histoire, c’est ainsi que nous déterminerons le futur. Et le futur, c’est maintenant.
Nous pouvons le faire.
C’est notre devoir.
Nous sommes le pouvoir.”
John Trudell (Le site consacré à John Trudell en cliquant ICI)
Telle est la lutte, tel est le but… magnifique.
Les manques de Google viennent s’ajouter au trop lourd tribu (!) que John Trudell a payé pour avoir osé brûler la bannière étoilée : l’incendie CRIMINEL (attribué au FBI) de sa maison dans laquelle se trouvaient sa femme (enceinte) et ses trois enfants.Tous morts brûlés vifs.
Une septième peine supplémentaire en quelque sorte !
Sans parler du silence autour de son décès.
C’est grâce à ce blog que Jean-Pierre Dionnet l’a appris. C’est dire.
Ouèche !
Prof.
Salut Beeb
Merci pour la transcription de ce discours auquel j’adhère à 100 pour cent . j’ai voulu allez voir un peu plus loin sur le lien :American Indian Association. Et bien figure toi que cette page est déclarée malveillante par google ..ce n’est pas très étonnant …mais quand même …ça trou le cul !
Amitié !
Emmanuel