Danny Adler Story
Voilà un mec qui a fait partie des Rockett 88 (Charlie Watts, Alexis Korner, Jack Bruce, Ian steward). Du Deluxe Blues Band (Bob Brunning, Mickey Waller, Bob Hall, Dick Heckstall-Smith).
Qui a jammé avec T-Bone Walker, Slim Harpo, Earl Hooker, Solomon Burke, Chuck Berry, Lowell Fulson, Memphis Slim, John Lee Hooker, Arthur “Big Boy” Crudup, Slim Gaillard.
Qui s’est coltiné avec le gratin de Cincinnati : Bootsy, Slim Harpo, H-Bomb Ferguson. ‘lui manque tout de même Charlie-les-Plumes (Feathers, si vous voulez). Qui s’est acoquiné avec Nick Lowe et Dave Edmunds au sein des Disco Brothers. Le titre « Everybody Dance » est là pour le prouver.
Qui a même fait un séjour chez Elephants Memory, bien avant l’arrivée de Lennon et de sa mégère, non sans avoir joué quelques gigs dans le Airforce de Ginger Baker.
Et qui a commencé comme gratteux chez Amos « Bad Bad Whiskey »Milburn.
On dit même qu’il aurait sérieusement influé sur le look d’un autre binoclard, célèbre lui : Elvis Costello. Qui lui aurait repiqué la JazzMaster, en plus de la paire de carreaux cerclés d’une monture en écaille noir. Ne pas penser à Buddy Holly serait une hérésie. Pour les lorgnons, pour sûr.
Ça supposerait que Danny Adler n’aurait pas tenu exclusivement que des Jazzmaster lorsqu’il est arrivé en Angleterre. D’ailleurs, il a tâté furieusement de la Strat chez Roogalator (cf : leurs premiers enregistrements chez Stiff…). Hot Strat Buddy Buddy !
Mais notre homme, encore aux States, donc bien avant, de s’esquinter les doigts sur une Gibson ES-175. Mais il est vrai que la Jazzmaster connaissait un retour de flamme assez étonnant à l’époque (75/76). La faute à Verlaine.
Anecdote croustillante et véridique : on a proposé à DA de le manager pour en faire le nouveau Hendrix. Devinez la suite ….
Sa création à lui : un groove qui lui est propre. Le “Gusha-Gusha”. C’est un concept.
Des riffs trampolines sur un vibrato “didigital”. Le mécanique, Adler ne s’en sert que très peu, voire pas du tout. On peut même dire qu’il s’en fout.
Tout l’art du “Gusha-Gusha”, c’est le “smear”. En fait, le “smear” c’est un gimmick breveté Adler. 1) vous plaquez un accord, 2) vous le “bendez” et 3) vous gardez le sustain un max. C’est le “smear” !
Pour le tempo, le “Gusha-Gusha” est entièrement calqué sur celui d’un train sur les rails. Un train, oui ! Mais à vapeur. Car Adler, les locos, c’est sa marotte. A tel point qu’il possède tous les brevets et diplômes pour conduire tout ce qui est à vapeur, sur rails et qui peut tirer des wagons.
Il a même des accointances dans plusieurs assos de restauration de locos vapeur US.
Au cas où : la fumée de bend et les “all aboard” qui ponctuent souvent ses incartades, s’ils évoquent le sifflet des trains, ben c’est pour ça !
Outre la vie duraille, le”Gusha-Gusha”, s’est aussi inspiré de certaines cocottes James Browniennes pre-73. Le pre-73 : Adler y tient. Il a pas tout à fait tord.
Pour en revenir au guitariste et ses groupes, et bien qu’il soit impossible de le dissocier du “Mécano de la Générale”, arrêtons-nous sur Roogalator. Managés par Robin Scott, futur leader de M. Ils monopolisent les charts grands bretons en 77 avec un simple : « Love & a Sinle Girl ». C’est publié chez Virgin qui est prêt à allonger beaucoup de pièces de sous pour un album. Refus poli du groupe. Qui, un an auparavant, sur la base de son premier single (« Cincinnati Fatback » b/w « All Aboard » Stiff # Buy 3) et sa pochette clin d’oeil à celle de « Meet The Beatles » s’est retrouvé affublé de l’étiquette « punk », alors qu’ils n’étaient ni punk, ni pink, mais des pub-rockers viscéraux, ceux qui seront les grands chamans de la révolution rock qui suivra.
La preuve : Feelgood, Ducks Deluxe, Brinsley Schwarz, Count Bishops. Et le grand, LE GRAND, Mickey Jupp et son groupe Legend qui, de mon point de vue, ont beaucoup de points communs avec Adler et Roogalator. Rien que cette obstination et cette pudeur.
Mais tous ceux-là avaient des influences qui ne se limitaient (surtout) pas qu’à Iggy.
Pas besoin d’avoir de grandes oreilles, mon enfant, pour sentir que c’est hyper classieux. Les Kinks sans les jabots, Redbone sans les plumes, James Brown sans les talonnettes. Et le jazz sans être chiant. Il était moins une : le bougre a fait quelques études de jazz à Paris ! Où, c’est bien connu, tout le monde connaît mieux l’idiome que ceux qui l’ont crée.
Il joue rock, il joue jazz, il joue blues, il chante kitch. Et il sait funker comme personne ici bas.
Vous mixez le tout. Et c’est déroutant.
On obtient une sorte de jazz funky teinté des charmes de la vieille Angleterre. Conservatrice, mais cup of tea et muffin. Ambiance Hercule Poirot. Le tout sur un rythme de Pacific Express. Pour un peu, on serait presque dans l’Orient Express.
C’est charmant comme tout. Ça se porte même comme un charme.
Un brin désuet, bigrement enjoué et lumineux.
Totalement anachronique. En dehors des modes et du temps. Et, franchement, presque subversif. Voire baroque. Loufoque.
Quasi sexy.
A cause de la voix. Qui fanfaronne allègrement la bride sur le cou. Sans le hoquet rageur de Charlie Feathers (originaire de Cincinnati) et sans la puissance des rugissements de James Brown. Mais avec une magic touch candide et adolescente qui crédibilise tout.
Et c’est pour tout ça qu’il est de mes cent guitaristes. Je peux même aller jusqu’à dire dans mon Top 20. Et ce, depuis 1975 ! Depuis « Cincinnati Fatback » de Roogalator et surtout via la grâce de « Play It By Ear » le premier L.P.
Bon. La vidéo. La seule disponible de Danny Adler sur Internet à ce jour. Elle a été enregistré en 1986 pour la télé belge lors d’une tournée du Danny Adler Band en Belgique. On n’en sait pas plus. Le morceau, « Pink Hot Rod » est sur l’album « Hubcap Heaven » (sorti en 1989 chez Line Record –LI 9 000910).
Par contre, j’ai retrouvé le nom du bassiste (Jebs Blake) et celui du batteur (Johnny La Thangue). Ils l’accompagnaient sur les cédés « Night Shift » et « Hubcap Heaven »!
Mais, c’était facile : j’ai les cédés depuis 90 à la maison.
Ouèche !
Professor BeeB HoPo
Je l’ai découvert il n’y a pas longtemps grâce à mon compagnon qui est un gratteux très avisé… et comment ne pas aimer ?…. quel bonheur <3
Du caviar, cette chronique… Continuez à nous éclairer !