Bien sûr, j’aurais pu commencer par d’autres amplis Fender : le Champ, le Princeton, le Deluxe Reverb, le Dual Showman. Par exemple.
Et j’aurais même dû commencer par le Twin Reverb, si répandu chez les blouzeux et les roquetsqueurs. L’ampli archétype des paramètres et des normes du “son clair”. Mais le Fender Bassman, plus que n’importe quel autre ampli de la marque, est celui qui allait contribuer à façonner le blues et le jazz électriques. Voire même le rock’n’roll. L’une des plaques tournantes indéboulonnables de l’histoire de la musique amplifiée. Alors, à tout seigneur…
Dans la tête des ingénieurs de chez Fender et, bien sûr pour Leo lui-même, il fallait absolument un ampli pour coller à la nouvelle innovation maison : la Précision Bass, la première basse électrique jamais conçue. D’où le nom de l’ampli.
Les premiers exemplaires du ” Bassman” furent donc construits en 1951.
Les guitaristes jazz l’utilisèrent très vite pour une simple et bonne raison : comme bien souvent, ils jouaient dans des big bands. Et, comme presque toujours en pareil cas, ils étaient assis. L’ampli était placé devant leurs jambes, la face vers le public.
Le Bassman avait ceci de pratique, c’est qu’il était suffisamment haut (58.4 x 57.2 x 26.7 cms) pour que les guitaristes, n’aient pas à trop se plier, avec la guitare sur les jambes, si quelques réglages sonores venaient à se présenter. Et puis, n’oublions pas que tous les potards des amplis Fender de cette époque étaient placés à l’arrière du dessus.
Mais, l’avantage du Bassman était qu’il était aussi assez puissant pour que la guitare trouve sa juste place sonore au sein de l’orchestre.
Puis, après des retouches légères, arrive le Bassman ’59, légende parmi les légendes.
Il avait, comme ses prédécesseurs 4 gamelles Jensen P-10R ou Jensen P-10Q de 10’’ câblées en séries (8 ohms) pouvant tolérer chacune une puissance de 25 watts RMS. Or le ‘59 était vendu pour être un 50 Watts. Du coup, l’ampli poussé, même légèrement au delà des 25 w, voyaient ses gamelles rendre l’âme assez rapidement.
Mais, à contrario, c’est ce manque, cet effet de compression, dès qu’on passe le 5, qui explique le son « crunchy », caractéristique incontournable du blues électrique. D’autant que ce crunch peut être réajuster par le volume de la gratte. Dès lors le Bassman 59, très sensible côté égalisation, se positionne comme l’archétype de l’ampli blues et rock par excellence. Et ce pendant une bonne vingtaine d’années, jusqu’à l’avènement du Twin Reverb, son petit frère en quelque sorte.
Le châssis des Bassman était conçu pour un jeu de six lampes : trois 12AX7 pour le préampli, deux 6L6 de classe A/B pour l’étage de puissance et l’égalisation. Additionné au poids des 4 Jensen, le total avoisinait les 24 kilos. Pas étonnant alors que la poignée de cuir se soit souvent cassée.
Monté sur un cadre en pin, intégralement câblé par les petites mains de l’usine Fender, le Bassman fut le premier ampli maison muni d’un potard de contrôle « middle ». Deux canaux : « bright » et « normal », aucune possibilité d’origine de les coupler.
Les boutons étaient les suivants : Volume Normal, Volume Bright, Treble, Bass, Middle, Presence. Il y avait quatre entrées jack 6.35 : Canal Normal, Canal Bright, avec une entrée supplémentaire High/Low pour chacun des canaux. A noter : l’égalisation commune à tous les canaux.
Évidemment, ampli prestigieux, celui sans lequel….., bien sûr que le Bassman ’59 compte de nombreux adeptes parmi les géants du blues et du rock. Au nombre desquels : T-Bone Walker, Jeff Beck, John Lee Hooker (qui avait une saine horreur de la réédition Fender Custom Shop de 99), Bruce Springsteen. Et même Bill Black, qui, c’est certain, en utilisa au moins un : celui du concert de Presley à Tampa (Floride) le 5 août 1956.
Anecdote : c’est au magasin OK Houk Piano Co de Memphis qu’il achète pour la modique somme de $355, 50. C’était le 24 mai 1956.
Au nombre des fans du Bassman : Buddy Guy et SRV. Les deux parvinrent à se faire faire des copies à l’identique. Sauf que SRV fait faire la sienne par le Custom Shop de Fender et Buddy Guy par Victoria.
Chose insolite que j’ai apprise en rédigeant cette note : Keith Richard, Eric Clapton, et feu George Harrison, ainsi que de nombreux collectionneurs, recherchent les lampes originales Fender des Bassman en raison de leur puissance et de leur timbre.
La fabrication du Fender Bassman fut stoppée en 61.
Pour la petite histoire, sachez encore que le grand Leo (Fender) lui-même, hésita un tantinet avant de donner son accord final pour la production en série du Bassman : il pensait que la grande innovation des quatre Jensen était trop en avance sur l’époque.
Sacré Leo !
Ouèche
Professor BeeB HôPô
PS : J’ai failli oublier : le Bassman est l’ampli sur lequel est calqué le Marshall JTM-45PS. Si ça vous rappelle Eric Clapton et Beano, bingo. Mais comme dit l’autre, la différence résidait dans les composants et les gamelles.. Ça fait quand même une sacrée différence. Un peu comme la cuisine chinoise et la tortore française. Hein que ouè…che ?
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