NiCK ToSCHeS
23 octobre 1949 – 20 octobre 2019
L’écrivain américain et historien du rock’n’roll est mort chez lui, dans son trois pièces de Manhattan. L’une des personnes à l’avoir bien connu est Miriam Linna. Sur son mur Facebook elle a rédigé un article dont nous publions, avec son accord, la traduction.
NICK TOSCHES ÉTAIT LE MEILLEUR.
En train de courir depuis environ 10h30 hier matin, quand Jim a appelé pour me dire que Nick était mort. Je n’ai pas dormi depuis. Je pensais avoir peut-être somnolé à un moment donné la nuit dernière mais je me suis trompée. J’ai passé toute la journée et la majeure partie de la nuit à sortir des boîtes de chaussures remplies de photos d’instantanés, en essayant de trouver une photo particulière de Nick avec Hasil Adkins, prise dans le sous-sol de Folk City (1) en 1986. Je ne l’ai jamais trouvée. Au lieu de cela, je me suis attardée sur d’autres clichés de bons moments de folie, avec les grandes questions sur la vie et la mort me cognant sur la tête comme une dameuse Ames en acier. C’était peut-être dû à plusieurs tasses de café, mais vraiment, c’était aussi la nécessité d’appeler un Nick, maintenant indisponible à jamais, pour lui dire que je cherchais toujours, et qu’il y aurait lieu de le punir de ne pas le trouver, et au fait, la virgule va-t-elle à l’intérieur d’une parenthèse s’il y a déjà un point d’exclamation, et comment dites-vous “laissez-moi tranquille” en latin, et sa tatie a-t-elle jamais eu les tripes qu’elle cherchait. Aux environs de minuit, un vieil ami a appelé, et a commencé de prêcher sur les voisins, les produits alimentaires et moi-même. J’ai bloqué ses appels dimanche dans tous les sens et j’ai continué à faire de petites piles de photographies. Au bout d’un moment, je les ai toutes remises dans les cartons, dans les placards et je suis descendue dans la cour pour réfléchir à propos du grand grand Nick Tosches.
Nick était une personne exceptionnelle et un ami remarquable. Il comprenait et estimait les incompris et les oubliés. Chez Norton (2), ses artistes préférés étaient “l’ébène et l’ivoire” de notre écurie : T. Valentine et Hasil Adkins. Et il aimait Andre Williams. Quand il a eu vent du livre d’Andre, il a été pris au piège. Il a eu le premier brouillon entre les mains et s’est immédiatement proposé pour rédiger l’avant-propos. Vous devez connaître l’histoire de la soirée de sortie du livre au Poetry Project, avec Andre et Nick émerveillant tout le monde avec leur pouvoir de star. Ensuite tombe le coup de fil de Nick suggérant que nous publions son prochain livre. En résumé, nous avons examiné deux autres manuscrits avant qu’il ne propose la version non expurgée d’un article qu’il avait écrit pour Vanity Fair quelques années auparavant sur la scène populaire dans le milieu de la musique new-yorkaise au début des années 60. Il souhaitait élargir le sujet. C’est alors que l’histoire de l’enregistrement de Sally Go Round The Roses et du conte Giant Gila Monster de Jaynetts associant Jack Ruby et son équipe est apparue (*). Nick a filé illico les histoires du livre qui est devenu Save The Last Dance For Satan (3). L’idée du parfum, il l’a prise très au sérieux. Il a fallu beaucoup d’essais pour obtenir un parfum digne de la poigne de Tosches. Je me promène un peu partout, alors laissez-moi vous raconter une petite histoire, de rien du tout. Eh bien, ce n’est pas pour rien si Nick était complice.
Voici.
Une nuit sombre et pluvieuse, je suis allée à une séance avec Nick, alors qu’il travaillait sur la bio de Gresham (4). Il a appelé et a dit : “Tu veux aller à une séance ?” Qu’est-ce que je vais dire – NON ? Nous nous sommes donc retrouvés dans cette église spiritualiste et avons assisté à un sermon charabia avec une grande prêtresse difforme en robe blanche et foulard. Après avoir chanté, prié et témoigné, nous nous sommes dirigés vers le sous-sol, où les chaises étaient disposées en cercle. Un entonnoir d’environ quatre pieds de haut et la forme d’un bonnet d’âne se trouvait au milieu du cercle, surmonté d’un foulard en soie transparent. Oh mon garçon, dit Nick. Il semblait vraiment mal à l’aise alors que nous prenions notre place avec les autres. Nous étions clairement mal accueillis et recevions un regard froid et humide de la part de la chef démesurée. “Ce n’est pas une femme”, dit Nick dans un souffle. J’ai jeté un coup d’œil à la créature et j’ai reçu un regard dur en retour. “Il peut y avoir un ectoplasme”, dit-elle lentement. Les lumières se sont éteintes et j’ai eu soudainement peur au point de crier fort. Je saisis le bras de Nick et susurrai : “On y va !” “Calme-toi”, dit-il, son regard soutenant celui de la femme. J’étais prête à courir vers les escaliers lorsque quelqu’un a fermé la double porte, nous laissant dans l’obscurité la plus totale, à l’exception d’une sinistre lumière venant d’une petite fenêtre du sous-sol. Tout le monde dans le cercle se tenait la main et la prêtresse chantait et ondulait son corps d’une manière étrange. Nick était toujours en train de regarder. Soudain, la femme se redressa et dit: LES ESPRITS SONT ICI !
Elle se leva et commença à se déplacer dans le cercle, faisant des déclarations à l’encan. Je souhaitais que les esprits s’en aillent avant qu’elle ne vienne jusqu’à nous Mais pas de chance. Quand elle est arrivée vers moi, elle dit : “Je vois un homme noir. Qui est l’homme noir ? Ton père ?” Mon père était décédé, alors j’ai dit oui. Aussitôt, elle lâcha : “Il veut que tu changes de coiffure.” Puis elle se tourna vers Nick et lui dit de se lever. “Viens avec moi”, dit-elle. Je tenais toujours sa main et je la serrais très fort. “Je serai de retour, dit-il.” Il suivait cette femme par la porte et je me retrouvais avec la chaise vide à ma gauche et un groupe d’étrangers qui me dévisageaient. Puis ils ont arrêté de me reluquer et quelqu’un est allé allumer les lampes fluorescentes et ils ont commencé à travailler autour d’une table de collations préparées avec des biscuits et un saladier de punch. J’ai demandé à quelqu’un quand mon ami reviendrait. “Bientôt, il a beaucoup de chance.” J’ai bu quelques punchs. Puis la grande dame entre, avec un Nick totalement abattu derrière elle. Je me suis approché de lui et il a dit, l’air tendu et fatigué: “Tirons-nous d’ici.” Il pleuvait toujours. Nous nous sommes dirigés vers le coin de la rue en espérant trouver un taxi. Il en est arrivé un et nous sommes rentrés. “Que s’est-il passé ?, “Qu’a t-elle dit ?” Nick soupira. “Ne fais pas attention à ces gens. Ce sont tous des charlatans.” Il regarde par la fenêtre et sans tourner la tête, demande : “Quand veux-tu aller sur la tombe de Houdini ? ”
Miriam Linna (Le texte original en cliquant ICI) (et merci)
Tentative de traduction : Professor BeeB HôPô.
(1) Folk City est une ancienne salle de New York célèbre pour avoir accueilli le premier gig de Bob Dylan en première partie de John Lee Hooker.
(2) Norton est la marque à travers laquelle Miriam distribue des rééditions de livres, disques, des parfums pour célébrer des sorties notoires et notables ainsi que d’autres objets devenus rares. Norton est aussi éditrice de nouveautés dans des domaines très précis de la sous-culture.
(3) Titre français Réserve ta Dernière Danse Pour Satan. Allia Éditeur Paris 2012. Le livre est tiré d’un article de Nick Tosches parut dans le n° de décembre 2002 de Vanity Fare. Le titre original était Hipsters and Hoodlums.
(4) Le Charlatan (titre original Nightmare Alley, écrit par William Lindsay Gresham en 1947. Nick Tosches est l’auteur de l’introduction publiée dans l’édition 2010 du livre).
Bien joué la trad !
Son livre Country. Magnifique avec cette ode à Emmett Miller.
Superbe cet article !!!!
Comme je dis un très bon article que j’aurais aimé écrire…tant pis pour moi…
Merci, good job Bebopo!
Oui bien sur, Nick Tosches, j’ai son livre en poche pour le lire et en livre normal pour garder intacte ses précieuses notes si drôles quelquefois : “héros oubliés du rock’n’roll”
Merci Prof. Sad to hear that he is no longer with us. But his writings remain. So witty, satirical and irreverent. He wrote on rock and roll beginnings like no one else. His books, Unsung Heroes of Rock and Roll, Country, Hellfire are the tablets of damnation that Elvis and Jerry Lee brought down from the mountain and into your bedroom. I can think of no other rock and roll writer who was as amusing, insightful, salacious and invincible as Nick Tosches.
C’est cool de ta part d’avoir fait cette traduc … un vrai dingue de roch n roll ce Nick ,tout comme toi !
Grande découverte pour moi. Merci Beeb.
Merci pour la traduction mon vieil ami
À lire absolument sa superbe bio de Dean Martin « Dino »
Salut Philippe,
T’inquiète, c’est fait, comme tu le devines sans doute !
A mon avis la meilleure bio jamais faite. Mais bon c’est moi qui le dit.
Ouèche !
Excellente initiative que de traduire à l’arrache le propos de Miriam Linna, Professeur Beeb HôPô.
J’étais ignorant de cet écrivain avant sa disparition…tant pis pour moi …il n’est jamais trop tard …
Merci Beeb !
Salut Manu,
Il faut absolument que tu lises le bouquin “Réserve ta Dernière Danse Pour Satan”. C’est absolument génial. Le reste aussi, mais celui-là particulièrement.
Ouèche !