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The Brandos Fortune of War

THe BRaNDoS FoRTuNeS oF WaRLes Brandos, ça fait bientôt deux décennies que je les connais. Je ne suis pas fan, parce que j’ai horreur des fans et que j’ai horreur du monolithisme, du monothéisme et de leur fatuité.
En revanche, je donne dans le genre admirateur. Et j’ai horreur de l’injustice. Car ils n’ont fait  que six albums depuis 1989. Ce qui une injustice caractérisée.
Les Brandos, ça fait 19 ans que je les admire et que j’essaie de faire comprendre autour de moi que c’est un groupe essentiel, primordial, vital pour le rock. Et la musique.
Car ils renvoient à des racines bien différentes de celles, sempiternelles et usées du blues consensuel, vers l’autre versant des racines du rock : les racines irlandaises.

Leur leader, Dave Kincaid, aurait pu choisir une démarche plus fédératrice, plus universelle. Comme le blues ou le blues rock. Rien de mieux pour rafler la mise. Ne parlons pas du hard et du rap : là, il décrochait la queue des Mickeys !
Au lieu de ça les Brandos (ex- Wild One*) jouent du rock souvent teinté de ballades interprétées à la mandoline. C’est que Kincaid, Américain de souche irlandaise, né à Seattle et new-yorkais d’adoption,  est une encyclopédie insondable et intarissable sur tout ce qui concerne de près ou de loin la Guerre de Sécession. Avec une prédilection pour les volontaires irlandais et leur rôle dans les événements militaires du grand conflit fratricide américain. Il a même été conseiller musical et acteur (au côté de Robert Duvall) sur le film  Gods & Generals, dont on devine le cadre historique.
Donc : point de I Woke Up this Morning, point de  I Can’t Quit You et tout le tremblement. A la place, c’est Kelly’s Irish Brigade, Private Maguire, Song for the Irish Brigade. Et lorsqu’il est question de Chicago, c’est pas Sweet Home Chicago, c’est Camp Song of The Chicago Irish Brigade. Des plaintes bourrées d’histoires d’amour exacerbées par l’absence, l’éloignement et l’angoisse des prochaines charges. Remarquez, y’a quand même deux blues, dans toute leur discographie : Jail Bar Blues et Let The Teardrops Fall … Les exceptions … qui confirment la règle !

Questions : qui par ici et même ailleurs, mais surtout par ici, se soucie de ballades irlando-confédérées ou irlando-yankees ? Qui se soucie des refrains que les combattants irlandais écrivirent pendant les carnages de la Guerre civile américaine ? Qui se soucie de ce quotidien angoissant et sinistre (des deux côtés, Confédérés ou Yankees) ? Qui se soucie des batailles de Gettysburg et de Bull Run ? Peut-être Sergio Leone (la scène du pont dans Le Bon, la Brute et le Truand) mais il est mort. Alors, il n’en reste qu’un et c’est Kincaid qui enfile le rôle.
Jusqu’au-boutiste et sincère comme pas deux, Kincaid chante ses refrains en s’accompagnant, assez fréquemment, à la mandoline. Pour un peu, manquerait plus que le fiddle ! Et ben, il y en a, car c’est indissociable de la mélancolie irlandaise. En plus, il ajoute du banjo, les pipes et tout ça. Évidemment, il aggrave son cas.
Comment voulez-vous y arriver comme ça ? Surtout ici, dans l’hexagone. Car la musique celte (et assimilés) vous fait passer, c’est obligé,  pour un baba cool indépendantiste et patriote breton du FLB (pouah…). Une survivance anachronique très mal vue par les purs et durs qui se pavanent devant France Gall par souci d’authenticité gainsbourrienne.
Pour en revenir à Dave Kincaid et l’Irlande comme un seul album ne pouvait pas tout contenir, il en a fait un deuxième sur le thème : vu son ascendance irlandaise, il doit être un peu têtu ! Et comme quand on aime on compte pas, il y a un livret de 36 pages (la compagnie a du être contente en recevant la facture) dans “The Irish Volunteer : Songs of the Irish Union Soldier, 1861-1865”, sorti le 24 février 1998 .

THe BRaNDoS FoRTuNeS oF WaRCe qui m’ a toujours titillé, c’est de savoir pourquoi la Guerre de Sécession est le le thème de prédilection de Kincaid ? Il m’a fallu un peu de temps pour trouver la réponse et pourtant, elle est là, évidente. Dans la famille Kincaid on est troufion de père en fils. Or, un jour il fait une balade au cimetière militaire de Gettysburg et se prend un flash terrible : son nom est inscrit sur une tombe, en fait celui de son arrière grand père. Véridique (**). Ce sera le thème de Gettysburg, le premier morceau du premier LP des Brandos, le groupe new-yorkais le plus singulier qui soit.
Car ce combo, à deux mille lieues des turpides du CBGB’s (ils y ont pourtant joué en présence de Joe Ramone qui est venu leur serrer la cuillère dans les loges après le set), est l’incarnation d’une ferveur et d’une intention sabrées par le savoir-faire, indéniable en la matière, du show biz US. A l’instar de nombreux groupes et musiciens, les Brandos sont la démonstration flagrante qu’un groupe de rock ne peut avancer sérieusement que si son management est en adéquation. Mais, à contrario, tout, ou presque, peut être bloqué par des margoulins. Le management, c’est primordial pour comprendre pourquoi les Brandos n’ont jamais eu le succès qu’ils méritent.
Alors ils sont contraints à l’éloignement, ce nœud gordien des Irlandais. Il est impossible de ne pas entendre, dans toutes les compositions de tous les albums qui suivront “Honor Among Thieves”, cette mélancolie et ce lyrisme tapis dans les guitares électriques, magnifiés par cette voix et ce chant qui dégoulinent d’humanisme et s’arc-boutent sur la pulsation des basses d’Ernie Mendillo, fidèle compagnon d’armes (si l’on ose dire) de galères (le mot est faible).
Une précision : Honor Among Thieves (Relativity 8192) qui entre le 26 février 1987 dans les charts US et qui y reste 19 semaines pour culminer… à la 108ème place est le seul album du groupe à faire une percée dans les charts US.

THe BRaNDoS FoRTuNeS oF WaRSes incantations altruistes, Dave Kincaid les ourle sur sa guitare de prédilection, la S.G. Incantations ? écoutez les deux points d’orgue : In Exile et Over the Border.
Pourtant, les Brandos, c’est un sacré cocktail : la facture réaliste de Fogerty et CCR amalgamée aux meules épileptiques (sans la gestuelle) de Townshend et des Who, le tout passé au mixeur des rages inflexibles de Springsteen et du E.Street Band. Et emballé sur un timbre de guitare presque identique à John Cippolina et Quicksilver Messenger Service (Remember : l’intro de Mona. La deuxième meilleure intro rock après celle de Hey Joe version Hendrix. Listen : Dino’s Song sur Over The Border, le dernier CD du groupe, et le plus abouti.)
Ajoutons un plus : la classe de John Hammond Jr. D’ailleurs, prenez une photo de l’un et l’autre et regardez à quel point le roi de la mandoline et le roi des Dobros se ressemblent. Et les Sonics. Eux c’est pas du blues, mais ç’est incendiaire.
C’est la même démarche : transmettre ce que l’on aime avec ceux que l’on aime, non pour imposer, mais pour maintenir et partager.
Pour affiner,  disons que Kincaid est aux chants de la Civil War et des Volontaires irlandais, ce qu’Alan Lomax est au blues et aux chants de bagnards : un conservatoire ambulant, une mémoire.

Tout ça transpire pleinement dans les réponses du questionnaire. Car enfin qui d’autre qu’un historien peut être autant attaché à une Washburn centenaire ?
Au bout du compte, c’est une ligne de conduite se situant quelque part entre le respect et l’honneur ou les deux à la fois. Quelque chose d’infiniment inné, infus et tripal.
…. Juste une histoire de racines.
Ouèche !!!!

Professor BeeB HôPô

(*) Titre original de “L’équipée sauvage”. Dès lors, inutile de préciser pourquoi les Brandos.
(**) Il le racontera lui-même dans la prochaine note de cette série. Dans 3 jours.

PS : Je sais, la note est un peu longue, mais 19 ans ! 19 ans !

Les Brandos sur Discogs

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